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    Halal or not halal is that the question ?

     

    OU

     

    Comment faut-il le hurler ?

     

    OU

     

    Marseillais, ne manquez pas la Veggie Pride du 19 mai 2012.

     

     

     

    René Dumont a commencé à le dire clairement dès 1970. La surconsommation de viande est une des causes de la faim dans le monde. Parce que pour cultiver les céréales qui nourrissent le bétail que te vendent les multinationales, carnivore invétéré(e), il faut des milliers d’hectares que les multinationales s’approprient de gré ou de force.  Et ce sont autant de terres, de liberté et de nourriture enlevées aux plus pauvres. Qui eux du coup ont très faim. Très, très faim. Tellement faim qu’ils en meurent. Oui, ils en meurent, c'est-à-dire qu’ils cessent de vivre, tu comprends? Ils laissent des veufs, des veuves, des orphelins… Bon, qu’ils aillent rejoindre les bidonvilles des monstropoles ou qu’ils deviennent les esclaves de leurs assassins corvéables à profit et sans merci, certes  il y en a qui mettent du temps pour mourir, je ne peux pas dire qu’ils prennent leur temps, non, leur temps de vie, ce sont les multinationales qui le leur prennent. Et il y en a qui n’en meurent pas, ils en restent abrutis de malnutrition. Et ceux qui préfèreraient sans doute  en mourir vite,  très souvent  on leur fait remarquer que c’est pas bien de pas rester pour  porter sa croix, son karma, son quelsdieuxsaventquoi ?

     

     

     

    Enfin pendant ce temps, toi, tu manges tes steaks et si tu as encore un bon dieu, côté fraternité, partage avec le reste de l’Humanité, tu as déjà l’habitude de  t’arranger avec lui, non ?

     

     

     

    Et puis, et puis, tu dois composer avec un certain art de vivre, une certaine image de toi-même, ce « bon vivant » qui n’a pas besoin du Pavé-de-Têtes pour avoir plein d’amis. Et être un bon vivant qui mange pas de la viande au moins trois fois par semaine, ça le fait pas ! Pourquoi  ça le fait pas ? Ben euh … traditionnellement, ça le fait pas, voilà. Ah zut, je trouve pas d’arguments là : aide-moi. C’est que certaines préparations végétariennes sont de tels régals, (mais le rédac’chef me dit que c’est pas le lieu de faire une rubrique gastronomique, je suis obligée de te renvoyer sur Internet pour les détails). Ah oui, les protéines ! Ah ben non, on en trouve ailleurs que dans la viande (mais le rédac’chef me dit que c’est pas le lieu de faire une rubrique diététique, je suis obligée de te renvoyer sur Internet pour les détails).

     

    Oui mais, dis-tu avec un ineffable  sourire plein d’indulgence pour toi-même et tes petites faiblesses, tu « aimes teeeeeeeeeeeeellement ça ! Et ça serait un teeeeeeeeeeeeeeel effort de renoncer à la viande même un peu ». Bon écoute, là, je compte les efforts des futurs morts dont je parlais plus haut, et il me vient comme une envie de devenir anthropophage, tiens, finalement. Mais tu as de la chance, nous autres végétariens, il paraît qu’on a une propension à la non-violence. Donc j’ai une réputation à tenir, tu l’échappes belle …

     

     

     

    Mais quand même, quand même, tu n’es pas une brute. Tu te poses des questions sur la viande.

     

    Est-ce que l’élevage des porcs pollue les rivières et file par contrecoup des cancers? Ah non pardon, pas cette question-là …

     

    Est-ce qu’un camp de poulaille ressemble un peu , beaucoup ou comme deux gouttes de bouse à un camp de concentration (où c’est pas étonnant que les petits rhumes se propagent à toute allure, d’autant plus que si on résiste mieux quand on a le moral, alors, là, forcément les pauv’ zosiaux …)? Ah non, pardon, pas celle-là non plus …

     

     

     

    Est-ce qu’elle est halal ? Ah, alors là, oui, par comparaison avec ce qui précède, je reconnais que c’est une question primordiale ! Et la réponse est facile, pas besoin d’interrompre la mastication de sa côte de porc pour répondre : c’est la faute à l’islamisme. (Je sais, je pourrais dire les islamistes mais c’est pour le parallèle christianisme-islamisme ; si on disait les Islamiens ou les Christianistes, c’est marrant, j’ai l’impression qu’on y verrait plus clair).

     

    Pardon ? Ah ! ça te gêne à cause de la souffrance des animaux ! Dommage qu’ils ne puissent pas donner leur avis ceux-là : je serais curieuse de savoir ce qu’ils préfèrent. Le couteau mal ou bien affûté ou le coup de bambou qui rate sa cible. De toutes façons, côté ambiance, un abattoir c’est rarement le Fouquet’s. Et ton poulet de batterie, au fait, il meurt  aussi suavement qu’il a vécu ? Ca t’empêche d’en manger ?

     

    Et moi qui croyais que tu pensais que le problème du halal, c’est le droit du consommateur, son droit d’être informé sur ce qu’il mange qui mérite autant de respect que son droit de manger selon ses convictions, sa liberté de conscience, religieuse ou athée par exemple. Tu vois comme on a du mal à se comprendre mais je suis sûre qu’on se rejoindra un jour : quand la planète dégueulante de chimie mortifère ne pourra plus nourrir le moindre animal, sinon pour quelques élites armées jusqu’aux dents.

     

     

     

    Ah mais qui voilà qui se mêle au débat ? L’âme sensible de service ! Celle qui ne mange pas de viande pour ne pas faire souffrir un animal. J’ai une nouvelle poussée d’anthropophagie. Car que sait-on de la souffrance des salades, des rutabagas et autres topinambours  qui est peut-être mille fois pire que celle des animaux ? Ne pouvoir imaginer QUE la souffrance animale est une manifestation tout bien pesé ravageuse d’un indécrottable anthropomorphisme. Parce que l’animal nous ressemble, (il bouge, il respire par des narines, il a un langage et des humeurs), nous voulons bien deviner qu’il souffre. Mais déjà, voyez comme même les amis de nos Amies les Bêtes zigouillent plus facilement une mouche ou un puceron qu’un canari ou le chat du voisin. Par quelle logique sinon que, les insectes nous ressemblant très peu, il devient tout à fait anodin de les massacrer ?

     

    Et une infime poignée sont les humains qui épargnent les plantes ou ne les tuent qu’en s’excusant : quelques indiens en voie d’extinction et quelques sages universellement clairsemés. Pourtant ces arbres qui vont pousser ailleurs quand l’appétit des girafes les menace d’extinction, nous obligent à quelques interrogations sur la sensibilité des plantes, non ?

     

     

     

    Constatons que décidément, tant que l’Homme n’aura pas compris qu’humains, animaux et végétaux sont également importants et également dérisoires, la planète n’est pas sortie de cette auberge dont le menu  est trop souvent létal.

     

     

     

    Mais surtout, en mai, fais ce qu’il te plaît. Va à la Veggie-Pride, par exemple.

     

     

     

    Christine Traxeler.

     


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    Jacob Vrel Fondation Custodia collection Lugt guillotine

    La guillotine sévit toujours 

     

     

     

    Après le plaidoyer convaincant, paru en page 21 du numéro d’avril de Barricades ,  pour la défense de l’intégrité sanguinolente de la Marseillaise et  le respect du droit moral absolu de son abruti d’auteur, j’ose à peine apporter ma larme au fleuve impétueux de ce moulin. Mais bon, j’ose.

     

     

     

    Je viens d’admirer, à l’Institut néerlandais, 121 rue de Lille, la collection Frits Lugt. Y figure un superbe tableau de Jacob Vrel intitulé « Femme à la fenêtre faisant un signe à une fillette ».

     

    Le spectateur est situé dans une pièce presque vide. Au fond de celle-ci (et du tableau), on voit de dos une femme dont l’empâtement et la main ridée font deviner le grand âge, assise et penchée contre une grande fenêtre. Elle s’incline vers une petite fille qui se tient contre la fenêtre mais à l’extérieur dans la nuit noire, et la femme pose sa main sur la fenêtre comme si elle voulait toucher l’enfant. Semble-t-il pour s’approcher mieux, elle a basculé son austère fauteuil de bois dangereusement, jusqu’au bord de la chute.

     

    Derrière la paroi translucide, la fillette inatteignable est grave, fripée comme si elle était la vieille elle-même, pâle comme un fantôme, noyée dans la nuit qui n’est éclairée qu’en haut à droite de la fenêtre par une lumière blafarde, blanche.

     

    Dans la pièce ne se trouvent ni meuble, ni tableau, ni tapis, mais seulement, sur un sol sans ornement, un papier chiffonné qui porte la signature du peintre, représentée volontairement presque effacée.  La fenêtre est noire, les murs sont blancs, les armatures métalliques des carreaux  dessinent une architecture de vitraux, tout évoque l’atmosphère rigolote d’une église protestante de ce XVIIe siècle. On ne voit seulement que, au-dessus de la fenêtre, un grand plat de cuivre luisant, entouré de huit plats d’étain, et sur le mur un clou qui ne porte rien.

     

     

     

    De cette œuvre, aussi frappante qu’une chronique de Barricades, la Fondation Custodia (qui gère la collection) vend une reproduction carrée qui ne précise pas qu’elle n’en reproduit qu’un détail. La reproduction s’arrête au ras du haut de la fenêtre, on ne voit ni les plats ni le clou, et le vide et le silence de la pièce coupée dans sa profondeur ne sont plus si poignants.

     

     

     

    Or comment ne pas voir qu’en tronquant l’œuvre la Fondation tronque le message et sa force qui ne peuvent naître que de la combinaison de tous ses éléments? A l’évidence le tableau parle de la Mort, du Temps qui détruit tout, de Dieu et de la Foi, et peut-être du doute, en la Résurrection éternelle. Car que le Grand Croc me crique si le tableau ne dit pas: que la vieillesse met à jamais la jeunesse (et sa propre jeunesse) hors d’atteinte dans cette insupportable souffrance de la voir vivre chaque jour à portée de main (et de la sentir palpitante encore et mourante au fond de soi) ;  qu’elle est une perte de toutes choses qui nous laisse dans une pièce de plus en plus vide ; que le temps qui passe efface le souvenir du peintre quel que soit son génie et que tout espoir de gloire posthume, tout, est vanité ; que de l’autre côté de la fenêtre, la nuit noire signifie le Néant ,  la lumière blanche la Mort, et que penser cet autre monde se fait rarement sans angoisse ; que le plat de cuivre et sa lumière d’or signifient la présence de Dieu ;  que les huit plats représentent la promesse de la résurrection éternelle*, que le clou représente la Crucifixion, que l’inutilité temporelle de ce clou placé par le peintre entre Dieu et le Néant (les plats et la nuit), situe le sacrifice du Christ entre la vérité de la Résurrection et l’apaisement de la Foi d’un côté, et le doute désespéré de l’Homme face à la réalité de la Mort, de l’autre.

     

     

     

    Ainsi la Fondation Custodia, chargée de gérer la collection de M. Lugt, rend hommage à Jacob Vrel en même temps qu’elle le décapite. Aaargh ! Observons que cet assassinat est commis à des fins mercantiles (le format carré est des plus à la mode) et qu’il n’est pas le seul. Des milliers d’œuvres sont désormais reproduites sectionnées comme des quartiers de bœuf (hallal ou non) pour entrer dans des formats rentables et il est rarement précisé au dos « détail ». Cette désinvolture a de beaux jours devant elle, les éditeurs castrateurs ayant peu à redouter de la descendance des peintres des siècles antérieurs au XXe s. Une seule solution, un seul conseil donc aux créateurs : ne mourez jamais !

     

     

     

    Si vous pensez que je délire, voyez également de Jacob Vrel : « Intérieur avec une femme peignant une petite fille ». Pièce vide de meubles également  sinon la chaise où l’on voit de dos une petite fille qui semble résumée à sa longue chevelure blonde comme celle d’une Marie-Madeleine (et qui n’est pas sans évoquer Balthus),  au sol un cerceau d’un bois qui porte des échardes, traversé d’un bâton (la couronne du Christ et la lance du légionnaire, et comment ne pas penser à Tapiès , hein, je vous le demande ?) un autre enfant, le fils sans doute de cette femme, sans père apparent. Lui  et la femme, tournés vers la porte grand ouverte, regardent vers l’extérieur d’où provient une lumière intense qui illumine toute la pièce. Sur le mur nu un manteau vide, sans ornement, pendu à un clou encore caché. Une version de l’Annonciation d’un sacrifice encore ignoré ? Que ceux qui ont classé Jacob Vrel dans les « peintres  de genre un peu naïfs du siècle d’or néerlandais », mangent leur poids de clous !

     

     

     

    Ceci éructé, je précise qu’en même temps que cette collection Lugt, l’Institut néerlandais exposait des dessins contemporains « surréalistes » qui valaient eux aussi le détour (là encore le même irrespect, certains titres anglais et hollandais n’étaient pas traduits. Fatiguez-vous, pauvres peintres, à donner des titres !). Les deux expositions sont terminées à l’heure où vous vous précipitez sur ce numéro que vous venez de trouver dans votre boîte aux lettres puisque vous êtes abonnés. Mais vous pouvez sans doute retrouver sur la toile ou dans les bonnes librairies et médiathèques, des gens comme Charles Avery, Chris Hipkiss, Hans de Wit, Oscar Camilo de las Flores, Peter Feiler, Robert McNally, Ewoud van Rijn, Kinke Kooi. Bons voyages.

     

     

     

    Christine Traxeler

     

    *« Le huitième jour succède aux six jours de la création et au sabbat. Il annonce l’ère future éternelle ; il comporte non seulement la résurrection du Christ, mais celle de l’homme. Si le chiffre 7 est surtout le nombre de l’Ancien Testament, le 8 correspond au Nouveau. Il annonce la béatitude du siècle futur » Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, éd. Seghers 1974.

     


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    Maintenant que la vague est bien passée …

     

     

     

    Sachant que Barricades est un journal parfaitement impartial qui respecte la liberté d’opinion de ses électeurs, j’ai préféré attendre le passage de la vague pour vous proposer une réflexion sur l’affiche de campagne choisie par Nicolas Sarkozy. (Et n’écoutez pas  le rédac’ chef s’il vous dit que si je faisais moins la fête, je serais peut-être plus à même de suivre le rythme de l’actu).

     

     

     

    On se souvient que cette affiche associait Sarkozy à une mer d’un bleu et d’un ensoleillement typiquement méditerranéens, étale et vide,  sous le slogan plein d’imagination et de profondeur « La France forte ».

     

    Je vous livre mes associations d’idées immédiates :

     

    -          les vacances sur le yacht de Bolloré,

     

    -          ses séjours de luxe avec sa femme de luxe dans la villa de luxe des Bruni au Cap Nègre et les interventions illégitimes et anti-écologiques de Sarkozy sur les problèmes de tout-à- l’égout de la copropriété de milliardaires qui inclut cette villa,

     

    -          le naufr               age des bateaux d’immigrants qui se décomposent lentement chaque jour  sous  cette mer qui n’est belle et vide qu’en surface,

     

    -          enfin la Grèce, dont cette mer est presque le symbole. Or la Grèce n’est pas là : la Grèce a coulé comme les immigrants. Mais la France, elle, flotte sur la même mer, représentée par son président qui jubile.  Et quand je lis « La France forte », j’ai l’impression d’entendre : « La France, elle, ne va pas couler, on n’est pas comme cette (là excusez-moi, je vais parler le sarkozy) pauvre conne de Grèce et vivement qu’elle se casse de l’Europe ». Je ne lis pas un message de solidarité mais un message qui serait : « Chacun pour soi ! et s’il le faut pour qu’on s’en sorte, que les autres crèvent. »

     

    La France n’est pas un pays dont l’image, l’Histoire et l’économie sont étroitement liées à la mer, comme l’Angleterre, l’Italie ou la Grèce.  La mer n’a jamais été son symbole. La France n’existe pas sur l’affiche : sa terre même est absente, et pire, son peuple, tout humain est absent. Sarkozy apparaît comme un Dieu de l’Olympe, planté devant une abstraction. L’affiche dit à la fois l’absence de projet pour une France concrète, l’indifférence à son égard, l’ignorance totale de ce dont elle est faite, le mépris du peuple, la négation absolue de l’une et de l’autre, et la volonté d’exercer le pouvoir sans aucun partage.

     

    Quant à la mer étale, elle en rappelle une autre : celle qui apparaît au fond de la très célèbre « Mélancolie » d’Albrecht Dürer. La mer, qui  vient de permettre les « Grandes découvertes », y est aussi représentée sans la moindre vague ; aucun bateau ne s’y est engagé car il n’y aurait plus aucun vent pour le pousser. En 1514, les grandes découvertes ont à peine commencé que déjà il n’est plus question de paix et d’homme universels, mais de domination du monde et d’hommes esclaves. La Mélancolie de Dürer, le visage tristement appuyé sur sa main, semble songer qu’il est temps de stopper ces grandes découvertes et de s’interroger sur leur sens en termes d’humanisme.

     

    Espérons encore et malgré tout – sinon pourquoi s’être abonné à Barricades ? - que ce siècle saura s’interroger de même avant de poursuivre ses destructions effrénées.

     

    Remercions quand même les communicants :  cette affiche inspirait immédiatement les parodies les plus rigolotes et les plus sanglantes et celle du Nouvel Obs’ restera sans doute dans toutes les mémoires.

     

    Et ne soyons pas ingrats, ce quinquennat a eu UN effet positif :  on a rarement autant lu et relu ce chef-d’œuvre sado-maso qu’est la Princesse de Clèves.

     

     

     


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