• La culture hamburger

    La culture- hamburger …  ou le second assassinat d’Apollinaire

    Par un beau jour ensoleillé parisien (si !), me trouvant  près du Musée d’Orsay et en avance de vingt minutes sur un rendez-vous, j’ai ressenti l’envie nonchalante de contempler la Seine.

     Mais comme je descendais les tout neufs gradins de bois qui mènent  sur les berges récemment aménagées, mes espoirs de divagations poétiques se sont transformés en cauchemar plus vite que Valls en néo-Sarko. 

     

    Tartinade …

    De la Passerelle L.S. Senghor au  Pont Royal, soit sur environ 400m, le mur du quai de la rive droite est entièrement confituré, (pour vous donner une idée : aussi  entièrement que la politique gouvernementale de mensonges, de promesses non tenues  et de contradictions), de photos d’une hauteur d’au moins 7m. Aucune de ces pierres aux variations infinies et subtiles où on l’on peut, d’habitude, reposer un œil brumeux et un cerveau méditatif (ou l’inverse), ne reste visible.

    Depuis le Pont Mirabeau et bien au-delà, « l’onde  lasse » l’était déjà des Bateaux de plus en plus moches et de moins en moins mouches. Mais entre deux, les « éternels regards » pouvaient encore divaguer sur les murs anciens et pâles. Fichu !

     

    … aux pesticides

    L’Homo animatus-culturalis qui a succédé à l’Homo sapiens protestera que ces photos sont artistiques et qu’elles contribuent à le culturer toujours plus. Foutaises et balivernes !

    L’exposition, sur le thème du café, enfile des photos (mais pas que) d’une affligeante banalité : belles mains brunes lacérées par le travail, beaux visages  de jeunes femmes (déjà usées) sous le beau châle brodé, beaux grains de café appétissants comme des cakes, belles fleurs exotiques, …  sans oublier, la gigantesque paire d’yeux superbement vitreux, rosis, jaunis et verdis d’amour universel, de cyrrhose et de produits  défendus ici, qui vous darde (profond) en 7m x20.

    Pas une image qui ne proclame la merveilleuse photogénie de ces peuplades exploitées (un mot rayé nul et malvenu), leur jubilation à sentir passer l’objectif  sous tous les plis de leurs voiles et de leurs peaux, leur fierté  de suer sang et eau pour que les pays riches sucent leurs petits noirs (je parle toujours du café), pas une qui ne vous fait monter l’envie de ce petit noir  justement (je parle encore du café, suivez un peu !).

     

    Enlève ton masque

    Ecoeurée, j’ai commencé à griffonner la présente éructation  et tout à coup je me suis demandée d’où sortait ce Big Tripple Maxi Géant Burger Imagier; et j’ai intuité que  … Pan dans le mille ! A droite, cette exposition se prolonge  sur la rive gauche par une vingtaine de grands panneaux sur chacun desquels les logos de la bande des 4 qui l’a commise,  sont répétitivement mentionnés. Le premier cité (avant la mairie de Paris et autres personnes publiques) est … allez, devinez, mais si ! osez le pire, dans notre société, le pire est toujours certain : le premier cité est NESPRESSO ! Nespresso, le gros nez rouge, morveux et hype de Nestlé*, la firme qui est boycottée et dénoncée depuis 1977 parce qu’elle pousse les femmes africaines pauvres à ne pas allaiter leurs enfants mais à les assassiner au lait en poudre. Assassiner car l’eau ajoutée à la poudre,  non bouillie faute de combustible, contient des cochonneries qui provoquent la mort des nourrissons. Le scandale continue aujourd’hui. Le boycott aussi, n’hésitez pas.

     

    Culture et culturisme

    Revenons au choc initial : quand bien même cette exposition n’aurait présenté que des chefs-d’œuvre avec le seul soutien de Nelson Mandela (tous nos vœux), quand bien même elle mériterait le qualificatif « culturelle », l’autre question est : devait-on la placer là où elle ne peut plus se distinguer de l’animation forcée, là où elle parasite l’errance poétique, la méditation, l’imaginaire, la douceur  envolés du Rien ? Non au culturisme culturel ! La culture, c’est comme le hamburger … quand il y a trop de couches, ou de mauvais assortiments, ça ne ressemble plus à rien et ça donne envie de vomir.

     

    « Vienne la nuit  sonne l’heure », il est heureux qu’on puisse encore lire et relire Apollinaire.

     

     

    P.S. : Avis aux myopes et aux maladroits : descendre doucement, les gradins lignés et surlignés se confondent et rater une marche équivaut à prendre un bain. Vous êtes prévenus. Merci qui ? Merci Barricade.

     

    * Vous trouverez sur Internet la liste des marques  qui sont les faux-nez  de Nestlé et qu’on peut inclure allègrement dans le boycott (je n’appelle pas au dit, je suggère).


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :