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    Méli-Mila-mélo

     

    Quelle belle époque!

    Un mien ami, dessinateur de grand talent, a publié dans un journal un excellent dessin où il représentait deux nazis-canada dry (auxquels de nazi il ne manque que le nom mais ni le passé, ni les actions, ni les discours, etc.) dans deux cercueils en forme de S, dans la calligraphie nazie de S.S., flottant parallèlement, ce qui les fait donc apparaître ramant dans le sigle S.S. L'un des nazillons a porté deux plaintes contre lui: mon confrère et le directeur de publication n'ont pas été condamnés pour la publication dans le journal, au nom de la liberté de la presse; mais, comme cet ami a publié aussi son dessin sur un réseau social, il n'y était plus protégé par le droit de la presse et il s'est retrouvé condamné pour injure publique.

     

    La jeune Mila, harcelée par un de ses suiveurs sur son réseau social, répond à celui-ci que sa religion (je cite) « est de la merde » et que Dieu, « on lui met un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir ». Recevant les réponses auxquelles elle aurait dû s'attendre, c'est-à-dire aussi argumentées, raisonnées et mesurées, délicates et conviviales que sa déclaration, elle répond en confirmant ses dires, aussi laconiquement, avec la même absence totale d'arguments de fond et de poids, que précédemment.

    L'adresse de son lycée se retrouve sur les réseaux sociaux. Elle doit en partir, porte plainte et réclame la protection de la police.

    La Sinistre de la Justice fait ouvrir une enquête contre elle pour provocation à la haine d'un groupe en raison de son appartenance à une religion déterminée. On reviendra plus loin sur cette perle de la Macronie.

     

    Qui vient alors au secours de Mila? Un avocat, pas n'importe lequel, un qui connaît bien le sujet, le Code Pénal et les media: Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo.

     

    Dès lors et tout soudain, on voit apparaître, cette fois à la télévision, une autre Mila. La fille qui, peinturlurée comme une qui voudrait donner de la joie à qui voudrait s'en payer et qui lui aurait déjà ébouriffé au moins la chevelure, évacuait ses flatulences sur son réseau social, est devenue une jouvencelle bien comme il faut, ses cheveux ont été sagement coupés et lissés, son maquillage léger donne une impression de juvénilité saine, sa contenance est pudique et timide, son pneu buccal s'est dégonflé en bouton de rose virginal, son anneau dans les naseaux a été recyclé hors champ. Et la gracieuse enfant ânonne qu'elle voulait blasphémer comme elle aurait dit que oui, oui, elle ne pensait qu'à aider la vieille dame à traverser la rue, et, au grand jamais, à lui mettre le nez dans le caniveau où elle se trouve pourtant.

     

    C'est bizarre : à entendre les propos litigieux de Mila sur son réseau social, j'ai eu très fortement l'impression qu'elle voulait uniquement injurier son interlocuteur, l'injurier sur un réseau social, ce que le droit appelle donc « publiquement », et l'injurier là où, selon les préjugés dans l'air (malsain) du (mauvais) temps qu'elle paraît avoir faits siens, elle supposait que ça pouvait lui faire le plus mal. J'ai eu encore plus fortement l'impression que son injure n'avait que le fond d'un vomi.

     

    Mais son avocat sait bien que la condamnation pour injure publique était imparable alors que la condamnation pour blasphème serait un scandale d'Etat.

     

    Et il a eu raison de parier sur la confusion mentale, l'ignorance et le panurgisme à l’œuvre à tous les échelons de la société et dans quasiment tous les media ; et de compter, en Macronie, sur ces mêmes qualités additionnées d'incompétence, de calculs politiciens et d'un nouvel avatar de l'inépuisable « en même temps ». Car, grâce à ces vertus combinées, on en est arrivé à ce que la Sinistre de la Justice, elle-même, défende à vingt-quatre heures d'intervalle le non-droit absolu au blasphème et le droit absolu au blasphème.

     

    Ainsi l'avocat de Mila a réussi à faire passer une injure publique sortie des cloaques pour un blasphème descendu des Lumières.

     

    Pendant ce temps, Macron et le gouvernement sont heureux qu'on ne leur parle plus de sortir des égouts ceux qui s'y noient, en mettant dans l'éducation, la règlementation des réseaux sociaux, le logement, l'accueil digne des migrants, la formation d'une police réellement au service des citoyens, par exemple, les 26 milliards qu'il va investir dans toujours plus d'armes, pour toujours plus de guerres fallacieuses, pour toujours plus de représailles et de destructions abominables.

     

    Si vous avez un doute sur l'élévation spirituelle de l'enfant, je vous conseille de regarder ses prestations télévisées : elle utilise le mot blasphème avec tant d'hésitation qu'elle semble en ignorer le sens. Puis termine une intervention, devant un de ces amphithéâtres dont la téléréalité raffole, en demandant qu'on l'entende interpréter la chanson qu'elle vient d'écrire, de chanter et d'enregistrer elle-même, sur son terrible malheur, et dans laquelle ne s'entend aucune réflexion sur la foi religieuse mais un aveu: "je rêvais de briller sur scène". En cas de violences à l'encontre de Mila, leur auteur mériterait des circonstances atténuantes, au moins de la part des mélomanes.

     

    12 février 2020


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    Lettre aux humoristes qui ont signé un appel dans le Monde pour qu'on se prive de viande et de poisson le lundi. Parmi les humoristes, il y a quelques stars qui font de la pub ...

    Je leur ai envoyé une petit mot; vous aussi vous pouvez leur dire votre façon de penser, si vous avez du temps à perdre ou de la bile à éliminer, sur lundivert.fr.

    Le petit mot:

    Bonjour,

    On ne vous a pas dit que pour que la planète et tout ce qui vit dessus s'en sortent, il vaudrait mieux limiter notre consommation de produits d'origine animale à 60g par personne et par semaine?

     

    On n'a pas dit (par exemple) à la star qui va se priver de steak le lundi tout en faisant de la pub pour un fameux joaillier que derrière le marché de diamants on assiste à une longue histoire d'exploitation, d'assassinats et de pollution?

    Ni aux amateurs (qui se reconnaîtront parmi les signataires), que les mêmes réjouissances existent derrière le marché de la cocaïne?

     

    Allez, remplacez les produits d'origine animale par un bon pétard local et militez plutôt pour la légalisation de l'herbe afin qu'on puisse la produire tranquillement chez soi.


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    Exposition « Carte blanche à Pascal Convert : revoir Bamyan » Musée Guimet (oct.2018 - janv.2019)

     

    Ce qui frappe, en voyant la photo panoramique du site, faite par P. Convert après les destructions des buddhas gigantesques par les talibans, c'est que ce site devait être superbe dans son état absolument naturel et qu'il a été terriblement détérioré par les éventrements pratiqués par l'Homme pour y placer ses idoles. Que les statues, signes d'adoration boursouflés, dominateurs et contraints, par leur gigantisme, à une certaine grossièreté artistique, aient disparu, d'un certain point de vue, je me demande s'il y a vraiment lieu de s'en plaindre. Malheureusement, les énormes amputations demeurent. Anthropocène, quand tu nous tiens !

     


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  • Soumission et contagion

    J’espère très sincèrement que les encenseurs  de Soumission ne l’ont pas lu. Je préfère croire qu’ils ont cédé au snobisme ambiant et imité l’insondable paresse de l’auteur, plutôt qu’être assurée qu’ils ont réellement aimé ce texte dont le vide sidérant n’a pourtant d’égal que sa dangerosité.

     

    Parlons de l’hypothèse de l’arrivée au pouvoir d’un musulman grâce à une coalition de la gauche et de la droite. Elle a été échafaudée sur des arguments qui n’ont, depuis bien avant que Houellebecq commette ce texte, ni vérité politique, (la suite des alliances partisanes a confirmé cette évidence), ni vérité économique, ni vérité démographique (par exemple, les statistiques montrent que le nombre d’enfants des familles musulmanes tend à se réduire après quelques années d’installation en France).

     

    On pourrait se contenter de blâmer ou de railler la légèreté de l’auteur. Malheureusement cette hypothèse ridicule a lancé des débats qui lui ont donné, auprès d’un public qui, souvent, ne lit plus les œuvres mais seulement leurs critiques, ou ne lit plus du tout, une grande visibilité médiatique et une crédibilité  proportionnelle, qui, hélas, aujourd’hui, est une inévitable conséquence de la première.

     

    Houellebecq a amplifié des peurs existantes et en a créé une nouvelle, pas la moindre. Le FN peut lui rétrocéder une partie de l’argent public que sa montée en puissance lui a permis de détourner.

     

    Parlons des effets de cette élection que Houellebecq imagine (si tant est que ce mot ne soit pas un peu trop fort pour décrire ses simplistes élucubrations): le généreux financement des universités par l’Arabie saoudite, la conversion implicitement obligatoire de leurs membres, le retour des femmes au foyer et, surtout, l’instauration de la polygamie et la disparition du cul des femmes sous des tuniques. Voilà, c’est tout. Et, bien sûr, les points sur lesquels il insiste lourdement sont les deux derniers. Vous voyez qu’imaginer est un bien grand mot.

    Et, réputation de provocateur oblige, Houellebecq ajoute que les femmes seront ravies de ce retour au gynécée, ravies aussi de n’avoir plus l’embarras du choix d’un mari qui leur sera imposé, ravies enfin de partager avec une, deux, ou trois autres femmes , les obligations du ménage.

     

    Ainsi ceux qui hésiteraient encore à passer au Front et qui, de plus en plus nombreux, confondent aura médiatique et sérieux intellectuel, trouveront là de nouveaux arguments et de nouvelles peurs.

     

    Doit-on aller plus avant et parler de l’écriture pour souligner l’évidence ?  On peut certainement trouver plus bâclé mais reconnaissons que, par exemple, « D’habitude, je suis habitué à … »* et les variantes autour de « chier » sont un louable effort pour avoir la palme. Difficile de trouver une description d’un « village ancien » plus insensible; celle d’une nourriture raffinée qui fasse moins saliver; une relation des rapports amoureux ou sexuels plus dépourvue de style et d’invention.

    Difficile d’ailleurs de trouver des rapports amoureux ou sexuels plus inintéressants. Car on ne peut pas en dire qu’ils sont déprimants, ou médiocres, ou vulgaires, ou brutaux, ce serait encore les qualifier quand ils sont simplement inqualifiables car totalement inconsistants.

     

    Quant au personnage central, ce qu’on en apprend nous permet d’imaginer un être nombriliste qui passe des heures à boire, en mangeant des viandes surgelées, vautré devant sa télévision ; un être qui se délecte d’une décrépitude dont le pire est que l’auteur ne semble pas voir qu’elle s’étend, bien au-delà de la bandaison de son personnage, jusqu’à sa plume.

     

    Dans ce contexte, on est forcé de se demander si la citation de marques et la description complaisante des capacités d’un véhicule 4x4 ne relèvent pas de la seule vénalité tant leur nécessité littéraire semble absente.

     

    Voilà pourquoi j’espère sincèrement que quiconque prétend avoir apprécié ce texte, ne l’a pas lu, car ce serait, sinon, la preuve que la décrépitude intellectuelle est dangereusement contagieuse.

     

    Il est cependant effrayant qu’aucun de ceux qui en ont porté l’hypothèse sur le devant de la scène, n’en ait perçu l’extraordinaire pouvoir de nuisance, parfaitement proportionnel à sa vanité.

     

    *On peut cependant comprendre que l’auteur n’ait pas eu envie de se relire.


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