• Soumission et contagion

    Soumission et contagion

    J’espère très sincèrement que les encenseurs  de Soumission ne l’ont pas lu. Je préfère croire qu’ils ont cédé au snobisme ambiant et imité l’insondable paresse de l’auteur, plutôt qu’être assurée qu’ils ont réellement aimé ce texte dont le vide sidérant n’a pourtant d’égal que sa dangerosité.

     

    Parlons de l’hypothèse de l’arrivée au pouvoir d’un musulman grâce à une coalition de la gauche et de la droite. Elle a été échafaudée sur des arguments qui n’ont, depuis bien avant que Houellebecq commette ce texte, ni vérité politique, (la suite des alliances partisanes a confirmé cette évidence), ni vérité économique, ni vérité démographique (par exemple, les statistiques montrent que le nombre d’enfants des familles musulmanes tend à se réduire après quelques années d’installation en France).

     

    On pourrait se contenter de blâmer ou de railler la légèreté de l’auteur. Malheureusement cette hypothèse ridicule a lancé des débats qui lui ont donné, auprès d’un public qui, souvent, ne lit plus les œuvres mais seulement leurs critiques, ou ne lit plus du tout, une grande visibilité médiatique et une crédibilité  proportionnelle, qui, hélas, aujourd’hui, est une inévitable conséquence de la première.

     

    Houellebecq a amplifié des peurs existantes et en a créé une nouvelle, pas la moindre. Le FN peut lui rétrocéder une partie de l’argent public que sa montée en puissance lui a permis de détourner.

     

    Parlons des effets de cette élection que Houellebecq imagine (si tant est que ce mot ne soit pas un peu trop fort pour décrire ses simplistes élucubrations): le généreux financement des universités par l’Arabie saoudite, la conversion implicitement obligatoire de leurs membres, le retour des femmes au foyer et, surtout, l’instauration de la polygamie et la disparition du cul des femmes sous des tuniques. Voilà, c’est tout. Et, bien sûr, les points sur lesquels il insiste lourdement sont les deux derniers. Vous voyez qu’imaginer est un bien grand mot.

    Et, réputation de provocateur oblige, Houellebecq ajoute que les femmes seront ravies de ce retour au gynécée, ravies aussi de n’avoir plus l’embarras du choix d’un mari qui leur sera imposé, ravies enfin de partager avec une, deux, ou trois autres femmes , les obligations du ménage.

     

    Ainsi ceux qui hésiteraient encore à passer au Front et qui, de plus en plus nombreux, confondent aura médiatique et sérieux intellectuel, trouveront là de nouveaux arguments et de nouvelles peurs.

     

    Doit-on aller plus avant et parler de l’écriture pour souligner l’évidence ?  On peut certainement trouver plus bâclé mais reconnaissons que, par exemple, « D’habitude, je suis habitué à … »* et les variantes autour de « chier » sont un louable effort pour avoir la palme. Difficile de trouver une description d’un « village ancien » plus insensible; celle d’une nourriture raffinée qui fasse moins saliver; une relation des rapports amoureux ou sexuels plus dépourvue de style et d’invention.

    Difficile d’ailleurs de trouver des rapports amoureux ou sexuels plus inintéressants. Car on ne peut pas en dire qu’ils sont déprimants, ou médiocres, ou vulgaires, ou brutaux, ce serait encore les qualifier quand ils sont simplement inqualifiables car totalement inconsistants.

     

    Quant au personnage central, ce qu’on en apprend nous permet d’imaginer un être nombriliste qui passe des heures à boire, en mangeant des viandes surgelées, vautré devant sa télévision ; un être qui se délecte d’une décrépitude dont le pire est que l’auteur ne semble pas voir qu’elle s’étend, bien au-delà de la bandaison de son personnage, jusqu’à sa plume.

     

    Dans ce contexte, on est forcé de se demander si la citation de marques et la description complaisante des capacités d’un véhicule 4x4 ne relèvent pas de la seule vénalité tant leur nécessité littéraire semble absente.

     

    Voilà pourquoi j’espère sincèrement que quiconque prétend avoir apprécié ce texte, ne l’a pas lu, car ce serait, sinon, la preuve que la décrépitude intellectuelle est dangereusement contagieuse.

     

    Il est cependant effrayant qu’aucun de ceux qui en ont porté l’hypothèse sur le devant de la scène, n’en ait perçu l’extraordinaire pouvoir de nuisance, parfaitement proportionnel à sa vanité.

     

    *On peut cependant comprendre que l’auteur n’ait pas eu envie de se relire.


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